samedi 22 juillet 2017

Thomas Voeckler en quelques chiffres



Thomas Voeckler mettra fin à sa carrière de coureur à l'issue de ce Tour de France. Le chouchou des juillettistes est paradoxalement un personnage qui ne fait pas l'unanimité parmi les spécialistes de la petite reine. Que lui reproche-t-on ? Il serait un comédien davantage intéressé par les caméras que par la recherche de résultats, exagérant les grimaces, lézardant en queue de peloton, attaquant en pure perte dans le seul but de montrer le maillot. Il aurait mauvais caractère, refusant par exemple de monter sur le podium de Paris-Tours après avoir été battu par Jelle Wallays, fuyant parfois la foule qui le presse pour obtenir un autographe. Surtout, il serait un imposteur : ses 20 journées en jaune ne seraient liées qu'à des faits de course, à la chance en somme. 

Et que dire du maillot à pois remporté en 2012, lui qui n'est pas un pur grimpeur et n'a pas la grâce alpestre d'un Virenque ou d'un Bahamontes ? Beaucoup s'interrogent d'ailleurs sur les performances obtenues durant ses meilleures années (2010-2013) : était-il normal de le voir jouer avec les meilleurs en montagne ? Tournait-il uniquement à l'eau claire ? Pour résumer les critiques, l'Alsacien se serait invité par erreur à la table des champions, bénéficiant d'une aura médiatique surdimensionnée par rapport à son talent.

Votre serviteur a pourtant toujours eu un faible pour Voeckler. Il représente tout ce qui me fait aimer le cyclisme : l'esprit offensif, la bravoure, l'audace, la malice, la volonté de renverser l'ordre établi, l'instinct plutôt que l'approche scientifique; et j'ajouterais la recherche de la victoire plutôt que la course à l'économie pour assurer une place d'honneur. L'homme a par ailleurs du caractère, une vraie gouaille ; son visage grimaçant n'est pas sans rappeler les photos en noir et blanc de Jean Robic. Et puis, qu'on l'apprécie ou non, il détient avec Chavanel le plus beau palmarès français des 15 dernières années.

À l'heure de dresser un bilan sur la carrière du Vendéen d'adoption, comme se plaît à l'appeler Thierry Adam, il est intéressant d'analyser quelques chiffres et données brutes sur ses résultats.

1) Un grand espoir du cyclisme français
L' « avènement » de Thomas Voeckler en 2004 n'est pas en soi une surprise au vu de son parcours chez les jeunes. Déjà sous les ordres de Jean-René Bernadeau, dans la structure Vendée U, il termine second de Paris-Roubaix Espoirs en 2000, encadré sur le podium par l'Allemand Erich Baumann et par un certain ... Tom Boonen ! Il figure également à la 15e place, et premier Français, du classement UCI Espoirs (moins de 23 ans) remporté par l'Italien Graziano Gasparre et dans lequel on retrouve notamment, dans les 20 premières places : Patrik Sinkewitz, Evgueni Petrov, Fabian Cancellara, Stijn Devolder, Tom Boonen, Michael Rogers ou David Zabriskie. Cerise sur le gâteau, il se voit récompensé en fin d'année du Vélo d'Or Espoir décerné par Vélo Magazine. Ainsi, lorsqu'il signe stagiaire dans l'équipe Bonjour fin 2000, puis professionnel en 2001, Thomas Voeckler est l'un des plus sûrs espoirs du cyclisme français.

2) Voeckler ce ... Flandrien !
Aussi étonnant que cela puisse paraître, Thomas Voeckler aurait pu s'orienter vers une carrière de Flandrien.  Second du Paris-Roubaix Espoirs, il était normal que ses dirigeants l'alignent en premier lieu sur les épreuves belges ou du nord de la France. Il est d'ailleurs amusant de penser que l'équipe de Jean-Bernaudeau destinait à l'époque Voeckler aux classiques et Chavanel au Tour de France. 98e des Trois Jours de la Panne, abandon à Paris-Roubaix, 45e du Grand Prix de Denain, abandon au Circuit Franco-Belge : l'apprentissage est difficile en 2001. À nouveau aligné sur les Flandriennes en 2002, il montre quelques progrès avec une 31e place à Gand-Wevelgem. L'année suivante, il obtient son meilleur résultat à Paris-Roubaix (52e), course qu'il ne disputera toutefois plus après 2004. Voeckler continuera à s'aligner régulièrement sur les Flandriennes tout au long de sa carrière, obtenant des résultats plus qu'honorables au début des années 2010 : vainqueur de la Flèche Brabançonne (2012), 4e du Grand Prix E3 (2008), 5e d'À Travers les Flandres (2013), 8e du Tour des Flandres (2012). Ajoutons à cela sa victoire aux 4 Jours de Dunkerque (2011), course qui réussit généralement bien aux Flahutes. Coureur complet, puncheur, et dur au mal, il est, aussi étonnant que cela puisse paraître, l'un des meilleurs Flandriens français des 10 dernières années.


Meilleures performances obtenues sur les Flandriennes :
  • Het Nieuwsblad : 11e (2009) 
  • Kuurne-Bruxelles-Kuurne : 14e (2009)
  • Le Samyn : 13e (2013)
  • À Travers les Flandres : 5e (2013)
  • Grand Prix E3 : 4e (2008)
  • Gand-Wevelgem : 35e (2002)
  • Tour des Flandres : 8e (2012)
  • Parix-Roubaix : 52e (2003) 
  • Flèche Brabançonne : 1er (2012)

3) Un coureur de classiques efficace
Voeckler avait montré chez les jeunes des aptitudes dans les classiques vallonnées, avec notamment une victoire en 2000 dans la Flèche ardennaise. Il faut toutefois attendre 2005 pour le voir aligné sur les principales Ardennaises. S'il lui manque une victoire sur un Monument, il a pu accrocher le Top 10 dans plusieurs belles courses : 2e à Paris-Tours, 4e à Liège-Bastogne-Liège, 5e à l'Amstel Gold Race, 7e des Championnats du Monde. S'il n'a jamais obtenue de résultats probbants sur les classiques italiennes, notons sa belle échappée en 2013 sur le Tour de Lombardie.

Meilleures performances obtenues sur les Classiques (hors Flandriennes) :
  • Milan-San Remo : 66e (2006) 
  • Amstel Gold Race : 5e (2012)
  • Flèche Wallonne : 22e (2006)
  • Liège-Bastogne-Liège : 4e (2012)
  • Classique St-Sébastien : 13e (2008)
  • Paris-Tours : 2e (2014)
  • Tour de Lombardie : 34e (2013)

4) Un homme de circuits
S'il était un type de courses où Voeckler était efficace, c'était l'épreuve en circuit. Fin tacticien, il savait mettre à profit cet exercice particulier. Citons bien entendu ses deux victoires aux Championnats de France ainsi que ses succès aux Grand Prix de Plouay et de Québec.

Meilleures performances obtenues sur les courses en circuit :
  • Classic Loire-Atlantique : 1er (2003)
  • Trophée des Grimpeurs : 1er (2009) 
  • GP de Plumelec : 1er (2004 et 2008)
  • Championnats de France : 1er (2004 et 2010)
  • Jeux Olympiques : 20e (2004)
  • GP de Plouay : 1er (2007)
  • GP de Québec : 1er (2010)
  • GP de Montréal : 21e (2012)
  • Championnats du Monde : 7e (2012)

5) Un Stakhanoviste de la route
Dans un article précédent, nous avions calculé que Thomas Voeckler était l'homme qui avait accumulé le plus grand nombre de kilomètres entre 2010 et 2016 (104 703 km). Plusieurs facteurs expliquent ce « record ». Tout d'abord, Voeckler est un coureur qui préfère parfaire sa condition en courant plutôt qu'en effectuant des stages d'entraînement. Le fait d'avoir toujours évolué dans une « petite » équipe explique également sa présence régulière dans les listes d'engagés : Jean-René Bernaudeau n'avait tout simplement pas les hommes pour faire tourner un effectif compétitif. Enfin, l'Alsacien a eu la chance d'être relativement épargné par les blessures (ce qui n'a toutefois pas empêché une série noire en 2013). Courant soit en échappé soit à l'arrière du peloton, il a pu éviter un certain nombres de chutes collectives.

Notons également, que Voeckler est un coureur qui abandonne extrêmement rarement. À l'exception du Giro 2007, il a d'ailleurs fini tous les grands tours sur lesquels il était aligné. Pour son premier tour de trois semaines, le Tour d'Italie 2001, il était même le seul coureur de son équipe à rallier l'arrivée, preuve d'une vraie endurance et d'une force de caractère.

Abandons / Jours de course :
  • 2001 : 2 / 29
  • 2002 : 2 / 28
  • 2003 : 2 / 61
  • 2004 : 2 / 76
  • 2005 : 2 / 93
  • 2006 : 1 / 86
  • 2007 : 0 / 86
  • 2008 : 3 / 94
  • 2009 : 1 / 87
  • 2010 : 2 / 100
  • 2011 : 1 / 90
  • 2012 : 2 / 91
  • 2013 : 3 / 97
  • 2014 : 2 / 82
  • 2015 : 2 / 94
  • 2016 : 4 / 95
  • 2017 : 1 / 72

6) Un palmarès hexagonal
Plus des trois quarts des victoires de Thomas Voeckler ont été acquises en France (31 sur 41). Rien d'étonnant de la part du coureur préféré des Français ! Plus sérieusement, cela souligne surtout le fait que son équipe a toujours planifié un programme franco-français.

Victoires acquises à l'étranger :
  • Tour du Luxembourg + 2 étapes (2003)
  • 1 étape du Tour du Pays Basque (2006)
  • GP de Québec (2010)
  • 1 étape du Tour du Trentin (2011)
  • 1 étape de la Tropicale Amissa Bongo (2012)
  • Flèche Brabançonne (2012)
  • Tour du Yorkshire + 1 étape (2016)

En conclusion, saluons un coureur complet, endurant et courageux qui a su se forger un fort beau palmarès (41 victoires) alors qu'il n'est ni sprinteur, ni grimpeur, ni rouleur (1 seule victoire acquise en CLM au Tour du Poitou-Charentes, face à un plateau peu relevé). L'audace et la roublardise tactique combinées à des capacités physiques indéniables (punch, résistance) lui ont permis de bâtir un palmarès honorable. Bien-sûr, il convient de raison garder : Voeckler n'a jamais eu le potentiel d'un Jalabert, d'un Virenque, d'un Pinot, d'un Bardet ou d'un Alaphilippe. Une équipe plus performante et un meilleur ciblage des objectifs auraient éventuellement pu lui permettra d'aller chercher LA très grande victoire manquante à son palmarès (un Monument). Pas sûr cependant que cette autre approche aurait bénéficié à un coureur qui a toujours mis les notions de plaisir et d'instinct en avant.